Début septembre marque une rupture dans mon itinéraire et je ne regrette pas d’avoir pris cette décision. Je quitte une manière d’être prêtre en paroisse vers l’inconnu d’une vie parisienne! Désormais, je vis comme une simple présence au milieu de personnes déracinées, sans statut social, parfois ne pouvant compter sur personne pour trouver la paix. Comme les migrants et réfugiés accueillis au Cèdre, je n’ai d’autre raison d’être que d’habiter le présent. Essayer d’être à l’écoute, de me connecter avec des personnes qui parlent souvent une autre langue, ont une autre religion, sont cassées par une histoire mouvementée d’un départ, d’un voyage, puis ce vide, cette longue attente de n’être désirées par personne. Elles habitent la rue, parfois une tente, un logement social pour ceux qui ont de la chance. Certaines s’incrustent chez un ami ou une relation, mais tout est éphémère, parfois violent et destructeur.
Cette jeunesse, le téléphone portable en main a soif de vivre, ils cherchent un lien, la réalisation d’un rêve, la traduction concrète de leur espérance.
Se battre chaque jour pour comprendre un papier, une lettre de l’administration qui fait peur. En Europe, le premier pays qui prend vos empreintes et votre identité est le seul en mesure de vous suivre dans une démarche de demande d’asile. (Loi Dublin).
Alors peu importe si vous parlez davantage une autre langue européenne, si vous avez des attaches ailleurs, il faut quitter la France pour rejoindre ce 1er pays d’accueil. Beaucoup de personnes refusent, alors commence pour elles un chemin de galère d’un minimum de 18 mois avant un nouveau recours, sans logement, sans argent, sans couverture sociale…Le Cèdre offre pour les demandeurs d’asile et les réfugiés 2 sortes de soutien: le matin une aide administrative: des informations sur le droit, l’accès à la santé, au transport, l’accès à une adresse de domiciliation pour le courrier et bien d’autres services pratiques, l’après midi étant réservé à la distribution du courrier, au partage autour d’un thé ou d’un café. Des groupes se forment avec différentes activités, jeux, couture, atelier théâtre, sport, jardinage, apprentissage du français… 32 heures par semaine, je suis donc à Paris, du dimanche soir au jeudi soir. Avec l’équipe du Secours Catholique j’assure le 1er accueil du matin, l’orientation des personnes vers les groupes thématiques ou les personnes référentes pour les accompagnements personnels. Ma mission est d’être à l’écoute de ceux qui viennent plus gratuitement pour boire un café ou recharger le téléphone. L’après-midi, je participe aux activités de distribution du courrier ou de l’écoute…
Nous avons un projet de réalisation d’un petit film de présentation de la maison, ou encore un « atelier – partage » autour de la presse et des actualités des pays d’origine. Je cherche des revues en anglais, en langues africaines ou en arabe…pour cet atelier coopératif.
Ma mission au Cèdre en quatre mots: facteur, orienteur, écoutant, priant.
Facteur: j’assure le lien entre la Poste et le Cèdre, puis la distribution du courrier pour 1400 personnes, sur deux jours par semaine. Nous assurons aussi à la demande, si le temps le permet, la lecture et la compréhension du courrier. Je tenais à ce travail pour être aussi dans une aide concrète et matérielle.
Orienteur: avec d’autres, particulièrement le matin je participe à l’accueil, l’information et l’orientation des personnes. Ceci se réalise dans une grande salle, avec du café et du thé. Heureusement, nous avons des traducteurs eux-mêmes en demande d’asile, pour aider, rassurer, et faciliter les échanges. Je suis en train de mettre en place un lieu « presse », en différentes langues, pour accompagner l’attente de ceux qui peuvent lire, pas si simple…
Écoutant: Tout au long de la journée, des personnes viennent aussi comme dans un foyer pour être au chaud, avec d’autres, jouer, parler ou rester seul dans un coin… Je cherche à rejoindre ceux qui, isolés, veulent parler. Retenir un prénom, une histoire, entendre une colère, une révolte ou essayer de réveiller ceux qui sont dans la résignation fataliste de ne compter pour personne, de ne pas être attendus, simplement tolérés…
Priant: L’idée est venue par l’appel à la prière d’un bénévole musulman. Nous avons une salle de prière inter culte, j’ai donc eu l’idée de vivre ensemble avec ceux qui veulent, 10 minutes en silence à 12h45, chaque jour. L’objectif est de se ressourcer, de porter les personnes et situations rencontrées, chacun à notre manière, à Dieu. Cette proposition semble plaire aux bénévoles et aux salariés, elle a commencé immédiatement et en mon absence!. Bien sur cela reste le fait d’un petit nombre…
J’ai rejoint une équipe du Cèdre qui propose des rencontres spirituelles interreligieuses. Deux fois par trimestre, nous organisons une rencontre ou une fête pour découvrir nos traditions spirituelles…
Sur le plan chrétien, les attentes sont plus complexes. Les protestants évangéliques, plus démonstratifs, sont peu dans le désir de relations œcuméniques, et comme partout, il est difficile de vivre sa foi dans un pays où la laïcité est revendiquée avec force…Le débat d’une messe pour Noël est ouvert, mais le résultat n’est pas certain. Moi je préfère un temps de célébration ouverte à tous, autour de la Nativité ou de l’attente de Noël, mais cela demande plus d’implication….comme en paroisse.
J’anime aussi, avec d’autres, des rencontres spirituelles interreligieuses: 2/3 des personnes sont d’origine musulmane.
Et en Haute-Marne ?– Le week-end, je retrouve les timides commencements des journées spirituelles du samedi, à Ambonville et la paroisse de Dommartin le St Père pour le service liturgique du dimanche où je suis très bien accueilli. Mon emploi du temps est bien équilibré, j’ai la chance d’avoir ma sœur à Paris qui me loge à 40 minutes du Cèdre, et le transport en train ne me pèse pas. Bien sûr, il me faudra encore du temps pour me former aux dispositifs du droit et de l’accueil, pour entrer dans l’histoire du Cèdre.
Vous êtes avec la Haute-Marne, dans ma prière et ma pensée de chaque jour,
bien cordialement,
Pascal Leseur